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Jo Privat, l'accordéon swing et la valse musette
 
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Manu Maugain
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jc-erard
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Messages: 3163
Localisation: GENEVE

MessagePosté le: Sam Mai 05, 2012 11:54 am    Sujet du message: historique du style jurassien signé Manu Maugain Répondre en citant

Salut les potos,
Manu Maugain a écrit:
Le style jurassien se situe au carrefour du style champêtre des Alpes suisses, de la
Tyrolienne et du Musette français. De chaque côté des rives du Doubs, entre
Pontarlier en France et Porrentruy en Suisse, des vocations naissent chez les
accordéonistes de tous âges. Voici quelques exemples de professionnels ou simplement
d’amateurs qui colportent le style jurassien partout où ils passent. En France, je
pense notamment à Gilbert Pétament de Bians-les-usiers, Jean-Claude Ruffenacht de
Ville du Pont, Emile Péquignet de Morteau, Cédric Bourdonnet de Gilley (élève de
Gilbert Schwab), Roland Guibelin des Fins, Daniel Girard de Villers-le-lac, Didier
Faivre de Charquemont (élève de Gilbert Schwab), Pascal Bouvier des Bréseux,
Sébastien Grillet et Christian Roy de Orchamps-Vennes, Michel & Claude Geney de
Beaucourt, Corinne Bideaux de Montbéliard. En Suisse, il y a d’abord Gilbert
Hofstetter, celui que l’on désigne comme l’inventeur du style jurassien et qui
habitait dans la ferme du lieu-dit Varandin, près de Porentruy. Au Locle, il y a
Gilbert Schwab et son professeur André Nicolet. A la Chaux de Fonds, il y a Emile
Zetner, Roger Hirschy interprète et éditeur, Jacky Thomet (Elève de Gilbert
Hofstetter), Cédric Stauffer et Serge BROILLET (deux élèves de Gilbert Schwab),
Maurice Nouveau et Charles Raccordon du Noirmont, Françis Jeannotat de Maufaucon,
Corinne & Fabienne Chapuis de Grandfontaine (Elèves de Gilbert Hofstetter), Michel
Bouju de Lugnez (élève de Gilbert Hofstetter).
J’ai moi-même été touché par le virus et le plaisir de côtoyer la plupart de ces
accordéonistes de multiples générations dans des émissions de radios, sur des
plateaux de télévision, dans les studios d’enregistrement ou dans divers galas. Mon
affinité pour ce style vient peut-être du fait que je suis moi-même né à Couvet en
Suisse ou parce que j’habite dans le berceau de cette musique à dix minutes du Locle,
ville suisse où vécurent la plupart des pionniers de cette musique. Il me suffit de
franchir la petite colline où est posée ma maison pour plonger dans les bassins du
Doubs ou pour me ressourcer près des remous du Saut du Doubs. Actuellement, je suis
professeur à Sainte-Croix en Suisse où j’enseigne, entre autres, le style jurassien.
J’ai aussi eu la chance de composer des morceaux de ce style en collaboration avec
Gilbert Schwab, et Daniel Girard. Avec Armand Lassagne, j’ai composé le titre
Montagnes jurassiennes que Corinne & Fabienne CHAPUIS ont enregistré dans leur
dernier album. Avec Michel Geney, nous avions un projet de titre qui n’a jamais vu le
jour suite à son départ prématuré vers un autre monde. Roger Hirschy célèbre éditeur
et accordéoniste, m’a fait l’honneur de signer avec moi La polka du fromager. Ce
dernier est à l’origine de l’écriture de la plupart des deuxièmes parties d’accordéon
pour les disques de Gilbert Schwab, car le style jurassien se joue principalement en
duo. C’est pour cette raison que Claude Geney poursuit sa carrière avec Corinne
Bideaux qui a succédé au père de ce dernier : Michel Geney. Pour la petite histoire,
Michel Geney a réparé un jour mon accordéon dont une lame ne fonctionnait plus.
C’était lors d’un gala d’accordéon aux Fins où il avait comme toujours, sa mallette
de « premiers soins » avec tournevis, pinces etc.… C’était la première fois que je
voyais un accordéon démonté et depuis ,je pense toujours à lui lorsque j’ouvre les
entrailles de mon piano à bretelles. Je ne voudrais pas oublier Freddy Balta de
Lausanne qui fut pendant plusieurs mois mon professeur et qui – sans être
accordéoniste musette – a beaucoup écrit pour Gilbert Schwab et notamment un morceau
très attachant : Le jardin aux pendules. Entre deux enregistrements en studio avec
Yves Montand et Juliette Gréco, Freddy Balta a lui aussi enregistré le titre Sur les
rives du Doubs, mais sa version trop jazz n’a jamais remporté de succès. C’est lors
d’une émission radiophonique présentée par Claude Geney que j’ai découvert à 17 ans
cette version pour le moins originale arrangée par Freddy Balta. Je suis
immédiatement tombé sous le charme des arrangements de ce grand de l’accordéon et
Claude Geney m’avait sympathiquement donné l’adresse de cet étonnant Monsieur Balta.
Après mon courrier d’admiration, Freddy Balta m’a invité de nombreuses fois chez lui
à Lausanne, au 8 de l’avenue Cécile et nous passions des après-midi complets à parler
d’arrangements. Entre deux verres du succulent sirop de macro concocté par sa femme,
il m’enseigna les principes de ses étonnantes trouvailles harmoniques. 7 ans plus
tôt, je rencontrais un autre monstre sacré de l’accordéon : Daniel Colin, surnommé
doigt de fer par Jo Privat. Daniel fut longtemps l’accompagnateur de Françis
Lemarque, Mireille Mathieu, Guy Marchand, mais le plus beau des hasards a fait que
ses parents habitaient le même quartier que mes parents et mes grands parents à
Pontarlier. D’ailleurs, Daniel Colin, devenu Parisien depuis, m’avait recommandé à
mes débuts de m’inscrire aux cours de Freddy Balta, mais nous avions finalement opté
pour un professeur plus local. Je n’oublierai jamais le jour d’une émission télévisée
enregistrée à Dole où je participais auprès de André Verchuren et Gilbert Schwab,
Daniel Colin qui était également « de la partie », avait profité de notre automobile
pour rentrer, avec mes parents et moi, chez lui à Pontarlier. Dans l’auto, il m’avait
offert sa composition, La Pontissalienne, un morceau de style jurassien. A cette même
émission télévisée, il y avait également Daniel Girard qui avait interprété sa très
belle composition Soirée röstis à la Combe Geay. Un accordéoniste que j’ai beaucoup
admiré aussi et qui fut longtemps un de mes modèles. Sa version du titre Sur les
rives du Doubs arrangé par le talentueux pianiste André Hawrilko et Gérard Muller (Au
fait, Gérard, c’est un cousin de ma maman ! le monde jurassien est vraiment petit !).
Décidément, ma vie est un véritable puzzle jurassien et je ne pouvais faire autrement
que tomber amoureux de ce style.
Un autre fait marquant me fut rapporté par mon papa qui, encore enfant, allait
chercher son camarade de quartier, Daniel Colin, pour jouer au football. C’est son
père qui répondait en entrouvrant la fenêtre et la rengaine était souvent la même :
« Il n’a pas le temps, il doit travailler son accordéon, puis après son accordéon, il
doit travailler son piano ! ». Lorsque je travaillais 10 heures par jour pour
préparer la coupe de France, je pensais souvent à cette phrase de Monsieur Colin père
et cela m’a certainement stimuler. Puis en remportant la coupe de France, j’ai eu
l’honneur de représenter la France à la coupe du monde. C’était en 1991 et j’avais
terminé 6ème accordéoniste mondial, mais heureusement, une autre phrase, cette fois-ci
de Marcel Azzola hantait mon esprit. En effet, un jour où Marcel m’avait invité au
restaurant à Paris, rue du faubourg Saint-Martin, chez Arthur, il m’avait dit « Tu
sais, moi non plus je n’ai pas gagné la coupe du Monde, mais j’en ai rattrapé pas mal
à la coda ». Je me suis donc consolé de cette façon, et je n’ai plus jamais cessé de
travailler l’accordéon, et de gratter le papier pour composer.
LES COMPOSITIONS JURASSIENNES
Les titres des compositions jurassiennes évoquent un véritable amour charnel de la
région. Au travers de leurs titres, les accordéonistes jurassiens vous parlent par
exemple d’endroits typiques tels que des auberges où l’on mange bien, où l’on boit
bien et des petits villages de montagne. Le titre Roche d’or, vient d’un petit
village d’alpage suisse qui domine la commune de Recourt. Joli Varandin : lieu-dit où
vécut Gilbert Hofstetter. Salut à St-Imier : ville de l’un des guitaristes de Gilbert
Schwab. Soirée aux Recrettes : hameau proche des Brenets en Suisse où existait une
auberge spécialisée dans les mets à base de fumés du Jura. Soirée röstis à la Combe
Geay : auberge française à la sortie de Morteau où le jambon de montagne, la fondue
et les röstis sont les principaux plats servis. C’est le soir de l’enregistrement
d’une émission de radio dans l’auberge que Daniel Girard a ébauché ce morceau.
Echo du Noirmont : ville du restaurant de l’accordéoniste Charles Raccordon. Les deux
bavards est une allusion aux bavardages inextinguibles de Gilbert Schwab et Gilbert
Hofstetter. A leurs conversations venait se joindre leur ami Michel Geney ce qui a
inspiré la composition Les trois copains. Au pré du lac : c’est l’ancien hôtelrestaurant
des Brenets en Suisse, qui borde les bassins du Doubs, lieu d’embarquement
des bateaux qui conduisent les touristes au Saut du Doubs. J’ai souvent joué dans ce
restaurant et la clientèle n’oubliait jamais de me réclamer le titre Sur les rives du
Doubs. C’est ce site pittoresque des bassins du Doubs qui, en 1936, a inspiré à André
Nicolet cette valse à variations. Au sommet des Rangiers, : village où se trouve
l’accueillante auberge Bellevue. Au cabri d’Ajoie : restaurant de Courtemaîche tenu
actuellement par Laurent Maillard, surnommé comme son père « le Cabri ». Soirée à
Tariche est un morceau qui a été commencé et terminé dans l’auberge de Tariche,
lieu-dit à quatre kilomètres de Saint-Ursanne. C’est en longeant le Doubs en voiture
toutes fenêtres ouvertes, pour rejoindre l’endroit, que les deux Gilbert - inspirés
par le chant des oiseaux - sifflaient. Au fur et à mesure de la route, un air est né,
un air différent de tout ce qui s’était fait jusque là. Aussitôt arrivés au
restaurant, le premier thème a été écrit devant une bonne truite au beurre. Le
morceau fut continué en plusieurs prestations bien arrosées dans le même lieu et
devint une magnifique valse très originale. Roland Guibelin perpétue cette démarche
d’aller se balader le long de l’eau en écoutant les oiseaux, puis, de retour à la
maison avec une inspiration débordante, il se laisse aller à ses compositions le plus
naturellement du monde. Bien d’autres titres encore sont évocateurs de ces ambiances
chaleureuses : Ambiance jurassienne, Aubade champêtre, Le chalet des souvenirs,
Soirée franc-comtoise, Veillée au chalet … On croise également d’autres thèmes tels
que la montagne : Berger d’alpage, Echo du Chasseral, L’oiseau des montagnes … Les
fleurs et les animaux : Crinière au vent, Fleur du Jura, Gazouillis, Joli papillon,
L’oiseau bavard, Le merle enchanteur, La perce-neige, Rossignol du Jura, Sous les
sapins, La chanterelle … Les saisons : Brise printanière, Eté jurassien, Feuille
d’automne, Neige de printemps, … Le terroir et les métiers communs à la Suisse et à
la France : Fondue franc-comtoise, Le jardin aux pendules, Marche des douaniers,
Marche franco-suisse, La polka du fromager.
LES POCHETTES DE DISQUES
Plutôt que de se montrer en gros plan avec leur accordéon, les interprètes jurassiens
ont souvent préféré utiliser des photos de paysages régionaux, de fermes, d’animaux
ou même d’horloges. Prenons par exemple les divers duos LES ACCORDEONISTES
JURASSIENS. Sur les pochettes de leurs vinyles, les fermes et les pâturages en sont
les sujets favoris tels que dans le volume 5 où l’on peut admirer le plateau qui
s’étend de la Brévine à la Chaux-du-milieu. C’est un endroit où l’on ne se lasse pas
de marcher sur les berges du lac des Taillères ou sur les sentiers bien aménagés qui
mènent d’un hameau à l’autre. Il n’est pas étonnant que ce plateau ait souvent été le
théâtre de ces prises de vue car la nature de ce lieu, très fréquenté par les
promeneurs, inspire à la rêverie. On peut y découvrir la ferme plus que centenaire du
Grand Cachot que l’on aperçoit en second plan sur la pochette du disque REVEIL
JURASSIEN. Le deuxième volume des ACCORDEONISTES JURASSIENS représente également une
autre ferme proche du village le plus froid d’Europe, La Brévine. Sur les pochettes,
on remarque souvent aussi la présence de chevaux des Franches-montagnes (Vol.2 et 3),
une race très utilisée pour les travaux de la ferme et très docile lorsqu’il s’agit
de tirer une calèche. Ces chevaux ont souvent été acteurs pour ces prises de vue mais
également témoins des voyages des accordéonistes jurassiens. En effet, en marchant
sur les traces de ces baladins de la musique, j’ai constaté que dans tous les lieux
« mythiques » tels que Tariche, Roche-d’Or, le Noirmont, ou encore le Peu-Péquignot,
les chevaux se mêlent au paysage. Au Peu-Péquignot d’ailleurs, l’accordéoniste
champêtre Antoine Flück accueille régulièrement dans son Relais équestre des
orchestres. C’est justement au Peu-Péquignot que la photo du premier 33 tours de la
collection LES ACCORDEONISTES JURASSIENS a été prise. Ce n’est peut-être pas un
hasard non plus si l’accordéoniste Emile Péquignet élève des chevaux et dirige sa
propre marque de montres de luxe ! Accordéon, horlogerie et chevaux paraissent
indissociables dans les montagnes du Jura. En effet, sur les pochettes de disques, la
tradition horlogère n’est pas en reste et il a suffit de la photo d’une série de cinq
petites horloges neuchâteloises (appelées morbiers) pour réaliser la pochette de leur
quatrième volume. Même pour un disque destiné à l’export au Japon, c’est à l’occasion
d’un repas dans l’auberge familiale « chez le Baron » qu’un cliché est réalisé.
Devant la collection d’horloges comtoises du patron, les deux Gilbert et Germain
Chavillat - leur bassiste - posent derrière la table qui est mise et présente les
fameuses saucisses d’Ajoie ainsi que quelques bonnes bouteilles. Je me suis rendu
dans cette ancienne auberge du Baron située entre Epauvillers et Montenol, et je vous
garantis que l’émotion fut très forte lorsque, presque quarante ans après, j’ai
retrouvé cette pièce inchangée comme si le temps était resté figé. Les horloges sont
toujours là, alignées contre le mur qui a conservé son papier. L’armoire rustique,
les fauteuils et la table y sont toujours en place.
Les 33 tours des ACCORDEONISTES JURASSIENS font aussi l’objet de 45 tours où les
titres sont égrenés par lots de quatre titres. Souvent y apparaissent une vue des
bassins du Doubs ou un cliché de l’auberge de Tariche. Tous les sites poétiques où
ils se rendent pour jouer font l’objet d’une pochette, comme si les pochettes de
leurs disques composaient un album photo racontant leurs escapades. Pour le disque
Fleur du Jura, en collaboration avec Cédric Stauffer, c’est le lac de Gruère (Jura
suisse) qui est choisi, puis le lieu-dit «La Bosse » vers Montfaucon (Vol.6).
Quelques années plus tard, c’est le lac de Joux qui fit également l’objet d’une
pochette. A ce propos, je me souviens d’un enregistrement pour l’émission télévisée
DECI-DELA, précisément à l’ancienne scierie du lac de Joux où j’avais joué avec mon
trio le titre Sur les Rives du Doubs. Sur le tournage, il y avait Gilbert Schwab qui
oeuvrait en solo en jouant Rossignol du Jura. A ma demande, il m’avait offert sa
partition de Soirée à Tariche. Il me l’avait confiée avec la précieuse recommandation
de jouer ce morceau avec un registre plus doux que le son « Musette » , en
l’occurrence le son « flûte », tel que je l’ai utilisé dans le disque que vous avez
aujourd’hui entre les mains. J’ai eu la chance de rencontrer Gilbert très souvent sur
d’autres plateaux TV tels dans le Valais Suisse à Crans-Montana où je retourne
souvent jouer avec mon orchestre. Parfois ce fut dans son magasin du Locle ou lors
d’un gala au Kursall de Besançon alors que nous partagions la même loge. A chaque
entrevue il m’offrait toujours des partitions. Ne pouvant pas me rendre à
l’anniversaire de ses 50 ans, il avait demandé une dédicace à Marcel AZZOLA pour moi.
Ce dernier était venu animer cette soirée avec sa pianiste Lina BOSSATI et Gilbert
savait que j’étais fan. J’ai toujours eu beaucoup d’affection pour Gilbert Schwab et
je pense qu’il le savait même si je ne lui ai jamais vraiment dit. C’est peut-être
pour cette raison que lorsqu’il n’a plus pu jouer, lorsqu’il s’est séparé de son
accordéon, il m’a offert ses quatre premiers 45 tours. Ces quatre disques ont souvent
tourné depuis et sont probablement un de ces ingrédients clefs de cette passion que
j’ai toujours gardée pour le style jurassien. Récemment, sa femme Ginette - pour qui
Gilbert a composé le titre Ninette – m’a offert tous ses classeurs de partitions,
cadeau inestimable et source inépuisable d’inspiration.
POUR LA PETITE HISTOIRE
Les accordéonistes jurassiens ont souvent joué en duo, à deux voix. Cette
particularité s’explique certainement par l’histoire des pionniers de cette musique
qui, déjà dans les années 30, composaient et jouaient en duo. Plus tard, sur les
enregistrements de ces duos, viennent se greffer une guitare et une guitare basse
mais toujours discrète pour laisser une large place à la mélodie et pour que l’on
entende les chants de basse joués à la main gauche.
Gilbert Hofstetter fut un temps réticent à l’emploi de la guitare. Un jour
d’enregistrement à Zurich, un producteur voulu imposer un bassiste et un guitariste à
la formation pour la première fois. Il fallut donc ruser, négocier avec Gilbert
Hofstetter dans le bar d’en face devant un verre de « rouge ». Les deux guitaristes
sympathisèrent très vite avec l’accordéoniste qui les adopta. Depuis, il ne se sépara
jamais de ces deux instruments d’accompagnement. Comme me le confiait son fils :
« Avec mon père, tout s’arrangeait devant un verre. Même lorsqu’un producteur
parisien arrivait à la maison en costume pour la signature d’un contrat, il fallait
qu’il se prête au rituel de boire d’abord un verre de rouge avant toute
négociation ».
Le style jurassien a une couleur immédiatement reconnaissable mais les intonations
principales de ce style reviennent indéniablement à la personnalité musicale de
Gilbert Hofstetter. Ce dernier a su transmettre à ses compères accordéonistes les
intonations et les harmonies qu’il ressentait intimement en composant.
Son premier associé musical, Charles Raccordon, lui a apporté l’utilisation de
certains enchaînements mineurs, André Nicolet avec sa célèbre composition – Sur les
rives du Doubs – l’a ouvert à l’utilisation du triolet de variation. On note aussi
une grande influence du folklore suisse et surtout des Ländlers. Puis Gilbert
Hofstetter s’associa à Michel Geney – un accordéoniste de Beaucourt (France) - qui
assimila très vite le style jurassien. Il apporta également de nouvelles idées telles
que le chromatisme et une fusion dans la mise en place des deux voix qui fait parfois
oublier qu’il y a deux accordéons. Après 14 ans de collaboration avec Gilbert
Hofstetter, Michel perpétua la formule du duo avec son fils Claude qui témoignait
d’une grande personnalité et de grandes qualités musicales. Ensuite Gilbert
Hofstetter collabora avec le dynamique Gilbert Schwab qui décrocha de nombreux
contrats dans de grandes maisons de disques telles que Philips ou PolyGram et de
nombreux passages radiophoniques. Le style jurassien allait devenir un phénomène de
société outre frontières et lorsque les deux Gilbert sortaient d’un enregistrement en
direct dans les studios de Genève, il fallait sécuriser leur sortie et monopoliser la
police pour contenir la cohue des fans venus les acclamer en nombre. Au travers de sa
longue carrière, Gilbert Hofstetter a laissé derrière lui un catalogue impressionnant
de titres qui ont chacun leur identité en restant toutefois attaché à ce style gai
que l’accordéoniste parisien Maurice Larcange qualifiait de « joyeux musette
suisse ». En un peu plus de 58 ans de carrière, Gilbert Hofstetter a participé à
quelques 90 disques qui se sont vendus à presque deux millions d’exemplaires, soit
220 morceaux enregistrés dont 90 compositions. D’autres accordéonistes jouent
également dans le style jurassien mais en soliste tels que Jacky Thomet, Cédric
Bourdonnet (associé pendant plusieurs années à Gilbert Schwab), Cédric
Stauffer(Idem), Daniel Girard, Emile Péquignet , Roland Guibelin. Ce dernier ne se
déplace jamais sans son guitariste. Ce duo inséparable jouait un jour au home
médicalisé du Locle, quand une vieille dame s’approcha d’eux pour leur demander de
jouer le morceau Sur les rives du Doubs. Ils s’exécutèrent immédiatement puis, à la
fin du morceau, la dame les remercia en essuyant une petite larme et leur confia :
« Je suis Madame Nicolet, c’est mon mari qui a écrit cette belle valse ».
LES TROIS PIONNIERS DU STYLE JURASSIEN
Gilbert HOFSTETTER : C’est en 1936 que débute l’épopée du style jurassien, et cela en
plusieurs événements simultanés. C’est d’abord l’année où André Nicolet, habitant Le
Locle, compose le célèbre titre : Sur les rives du Doubs. La même année, le duo
d’accordéonistes de Gilbert Hofstetter (né le 02/10/17 décédé à 75 ans en février 92)
et Charles Raccordon remporte le premier prix au concours fédéral de la Chaux-de-
Fonds devant trente huit autres duos en compétition. Fort de ce succès, le duo
enregistre sans doute le plus célèbre des disques de style jurassien en reprenant le
morceau Sur les rives du Doubs (25000 disques vendus la première année). Le comble
est que c’est le matin même de l’enregistrement qu’un accordéoniste présent le même
jour au même endroit leur a présenté cette composition récemment éditée. Aussitôt
emballés, les deux accordéonistes ont changé les titres prévus en se mettant au
travail pour apprendre le morceau et l’enregistrer le jour même dans l’après-midi.
Quatorze autres disques furent ensuite produits par ce duo devenu célèbre. Un jour
d’enregistrement, alors qu’ils venaient de terminer et que la nuit tombait, le
preneur de son trébucha dans les escaliers avec la matrice en anéantissant tout le
travail de la journée. La matrice était inutilisable. Il fallait prendre une décision
et le soir même tous les morceaux furent à nouveau enregistrés.
En 1944, Charles Raccordon cède sa place à Michel Bouju, un élève de Gilbert
Hofstetter. Cette année là, une seconde édition du morceau Sur les rives du Doubs est
pressée. Puis en 1948, c’est Maurice Nouveau qui succède à Michel Bouju, jusqu’en
1952. Ensemble, ils composent les célèbres titres Rossignol du Jura, L’oiseau bavard,
l’Appenzelloise, Echos du Chasseral, L’oiseau des montagnes, Au sommet des Rangiers,
Fleur des Alpes, Beau séjour, Majestic et Allégresse. Ensuite, c’est Michel Geney qui
prend le relais pendant 14 ans. Michel, d’abord spécialisé dans la valse swing puis
le style alsacien très proche du style jurassien, se familiarise très vite à l’esprit
des compositions de Gilbert Hosfstetter. Cette collaboration apporta de nombreux
titres à leur répertoire et Michel Geney connaît suffisamment bien la musique pour
écrire des deuxièmes voix sur table, sans le secours de son accordéon pour vérifier
si c’est juste. Ce dernier est perfectionniste et les enregistrements témoignent
alors d’une rigoureuse mise en place qui fait parfois oublier qu’il y a deux
accordéonistes qui jouent. Quatre 45 tours sont alors enregistrés de ce duo qui se
nomme LES ACCORDEONISTES JURASSIENS et notamment des compositions en collaboration
qui sont devenues de grands succès : Fleur du Jura, Au Cabri d’Ajoie, Les trois
copains, Réveil jurassien et Echo des pâturages. Pendant ces années, le fils de
Michel , Claude Geney, était devenu un excellent accordéoniste et c’est en 1964 que
Michel forme avec son fils un duo dynamique et très vite reconnu pour la qualité de
ses interprétations.
Gilbert Hofstetter, lui-même élève de Joseph Bacon de Bassecourt à partir de 15 ans,
se consacre alors davantage à son autre activité qui est l’enseignement de
l’accordéon. Il exerça longtemps dans un hôtel de Porrentruy, où il occupa la journée
plusieurs chambres dans lesquelles travaillaient ses élèves. Lorsqu’il n’y avait plus
d’élèves, il redescendait jouer aux cartes avec ses amis au café en attendant les
suivants. Devant le succès grandissant de son école, il se replia alors dans
sa maison au lieu-dit Varandin près de Courtedoux où ses élèves – plus de 600 en 40
ans d’enseignement – prennent place dans toutes les pièces de la maison, dans les
chambres, la cuisine et la salle à manger. Dans un coin de la salle à manger
justement, le bureau de Gilbert Hofstetter demeure encore intact avec ses gommes et
ses crayons comme si le temps s’était arrêté. D’ailleurs sur la porte, en haut de la
boîte aux lettres, on peut encore lire « Monsieur et Madame Gilbert Hofstetter ». Son
fils, Jean-Marie, ne peut enlever le nom de son père, tout comme ses tableaux de
paysages jurassiens qu’il peignait à ses heures perdues. Gilbert Hofstetter était
vraiment un artiste de la nature qu’il retranscrivait autant dans sa musique que dans
ses peintures… Que ce soit la musique, les cartes, ses chats, la peinture,
l’enseignement, Gilbert vit toutes ses passions à 200 %. Même pendant la guerre, il
suivait l’évolution au jour le jour en écoutant la radio, et il avait même fabriqué
de petits drapeaux qu’il plaçait minutieusement sur une carte pour mieux suivre les
événements.
Ses deux accordéons demeurent aujourd’hui intacts dans le bureau au rez-de-chaussée
de sa maison à Varandin. Pour avoir jouer sur le modèle qu’il utilisait pour les
enregistrements, je peux vous avouer que le fantôme de ses doigts court encore sur
les touches de nacre. Ses mélodies fusent toutes seules sur les touches tellement
jouées qu’elles s’enfoncent sans peine. C’est souvent magique de jouer sur
l’instrument de telles personnalités. J’ai déjà eu l’occasion d’essayer l’accordéon
de Joss Baselli et de Gus Viseur à Paris lors d’une invitation chez Josette Baselli,
femme de Joss et fille de Gus. J’ai aussi eu la chance d’essayer l’accordéon de Louis
Corchia lors d’un gala à Crans Montana et même celui de mon professeur Freddy Balta
et à chaque fois, je suis frappé par la façon dont répondent ces accordéons. On
ressent immédiatement la personnalité du propriétaire, on devine les doigtés qu’il
utilisait et leur son est là, sous nos doigts, contre notre coeur. Un instant magique
que j’ai revécu avec l’accordéon de Gilbert Hofstetter. Pendant sa longue carrière,
Gilbert Hofstetter a vendu quasiment deux millions de disques. La semaine qui a suivi
le jour où les journaux ont parlé du million dépassé, les inspecteurs des impôts sont
venus à Varandin pour une petite visite de courtoisie. Mais à l’époque, les artistes
ne gagnaient que quelques centimes par disque, et après quelques heures de contrôle,
ils durent se rendre à l’évidence que Gilbert n’avait jamais fraudé.
Gilbert Schwab : Né le 14 juin 1926 et décédé en janvier 1998, il débute l’accordéon
à l’age de 7 ans dans l’école de musique d’André Nicolet et entre rapidement dans les
rangs du club des accordéonistes loclois. Très vite excellent interprète, il créa un
orchestre en 1948, puis il reprend la succession à la tête du Club loclois. Un jour,
il entend parler d’un accordéoniste qui, paraît-il, jouerait dans le même style que
lui, mi-musette, mi-champêtre. Il entreprend donc d’aller le voir un soir d’automne
de 1968. Après avoir trinqué, ils essayent de jouer ensemble un titre, puis deux,
puis trois … Ils se rendent alors compte qu’ils ont le même jeu. C’est ainsi que
l’histoire du duo avec Gilbert Hofstetter débute.
Gilbert Hofstetter est très casanier et c’est plutôt Gilbert Schwab qui se déplace à
Varandin pour répéter, mais surtout pas avant 16h00, car le premier a ses rituels. Le
matin, il se lève vers 8h00, il déjeune, joue un peu d’accordéon et compose. En fin
de journée, pendant la semaine, les élèves arrivent en cours, mais le week-end, les
loisirs passent avant le travail. Il y a d’abord les parties de cartes au bar le
Terminus de Porrentruy devant un verre de vin rouge. Puis au retour à la maison, il
doit s’occuper de sa dizaine de chats. Ensuite seulement, ses amis accordéonistes
peuvent venir pour travailler. Mais surtout, il faut trinquer avec un « canon » de
rouge. Que ce soit un ami, un accordéoniste, des gens de la radio, de la télévision,
chacun a droit à son verre de rouge. Alors Gilbert Schwab se plie aux règles de son
confrère et l’association fonctionne plutôt bien.
Les répétitions se déroulent à Varandin et souvent en compagnie d’Emile Zeltner, un
accordéoniste qui a fait le gros de sa carrière Musette à Paris, mais qui habita
ensuite à la chaux de fonds. Il a également composé des titres devenus célèbres tels
que Du soleil au Chalet, La fée du Jura avec Roger Hirschy ou encore Reine des prés,
Eté jurassien et La polka du Jura. Emile Zeltner est aussi celui qui tranche lorsque
le passage d’une composition ne convient pas tout à fait à l’un ou à l’autre des deux
Gilbert. Il donne aussi son avis pour l’écriture des deuxièmes voix.
Pendant cette période, Michel Frossard (Prix d’harmonie de Rome) les conseille aussi
pour améliorer la perfection harmonique de leurs compositions. Ce dernier était
parfois un peu pointilleux et Gilbert Hofstetter disait souvent de lui : « Le vieux,
il nous embête ». Lorsqu’il manque un titre pour boucler un disque, le duo puise dans
le répertoire de Roger Hirschy où lui demande de leur composer expressément un titre.
Ce dernier, à la tête d’une édition musicale, édita beaucoup de titres jurassiens. Il
collabora surtout avec Gilbert Schwab en écrivant les deuxièmes voix. Il était passé
maître en la matière et se prêtant volontiers au jeu, il éditait ensuite le morceau.
Parmi ses plus célèbres compositions, on peut signaler Ambiance jurassienne, Sur les
chemins jurassiens, Berger d’alpage, Carpe d’or, Le chalet des souvenirs, Les deux
« G », La fée du Jura, Nuit sereine, Rencontre jurassienne, Ländler Chaux-de-Fonnier,
Parfum de Romarin …
Lorsque les deux Gilbert n’ont pas de contrats, c’est l’occasion de faire un bon
repas à Tariche, à l’auberge de Roche d’Or, à l’auberge St-Maurice de Chevenez ou
encore chez le « Cabri » à Courtemaîche. Quelle que soit l’auberge, les accordéons ne
sont jamais bien loin et les gens attablés savent bien que cela vaut la peine de
traîner, car les deux Gilbert ne résistent pas longtemps à la tentation de sortir
leur accordéon à la fin du repas.
==========================
Michel GENEY : Né le 28/05/30 et décédé le 09/11/95. Après 14 ans de collaboration en
duo avec Gilbert Hofstetter, il s’associe en 1964 à son fils pour former un duo de
grande qualité. Ensemble, ils montent alors un orchestre qui écume tous les grands
bals de Franche-Comté, d’Alsace et de Suisse pendant de longues années. Ils créèrent
ensemble les Editions Michel et Claude Geney qui devinrent trés célèbres. Une édition
de qualité qui regroupe plus de 400 titres jurassiens et Alsaciens magnifiquement
arrangés pour deux accordéons et présentés en partitions de couleurs. Michel
m’envoyait souvent ses dernières parutions avec un petit mot d’une signature
majestueuse et toujours au feutre noire. Avec son fils, ils composèrent de nombreux
titres qui sont devenus des standards dans le genre : Rosée champêtre, Rapide
digitale, Escalade jurassienne, Promenade champêtre, Soirée au Grütli, Coeur
jurassien, La fête des gentianes, Alpage suisse, Fête franc-comtoise … Restés amis
avec Michel Geney, Gilbert Hofstetter et Gilbert Schwab continuèrent longtemps à
collaborer et à alimenter cette édition de qualité.
Claude avait hérité également de la rigueur d’organisation de son père et notamment
pour les arrangements magnifiquement écrits de façon manuscrite pour chacun des
musiciens de l’orchestre. J’ai eu quelquefois la chance que Claude me laisse jouer la
partie de clavier avec son orchestre dans certains galas tels que pendant les 24
heures de l’accordéon aux Fins (France). Depuis je n’ai cessé d’écrire moi-même à la
main les arrangements pour mon orchestre et je pense que cette période auprès de
l’association d’accordéonistes LES FELES DE L’ACCORDEON – créée par Claude – a eu
beaucoup d’influence sur moi. Je dois beaucoup à Claude pour la notoriété qu’il m’a
promulguée pour la suite de ma carrière. Un jour où Claude nous avait invité mes
parents et moi à la brasserie du Palais Granvelle à Besançon, c’est lui qui m’a
conseillé de préférer le pseudonyme « Manu » plutôt qu’Emmanuel. Mon nom de scène
devint Manu MAUGAIN et je ne l’ai plus jamais quitté. Depuis, avec mon orchestre,
nous jouons principalement en Suisse pour de grandes fêtes qui durent plusieurs
jours : Les caveaux, les Abbayes comme on dit dans ce pays. Lorsque j’entame un
morceau jurassien, la piste se remplit immédiatement. N’est ce pas une belle preuve
de la capacité du style jurassien à soulever les foules ?
Manu Maugain


Deux Personnages représentatifs du plus pur style jurassien, n'est-ce pas Charlan.....
http://www.fabicori.ch/galerie4/gilbert-schwab-hofstetter.html
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amati
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MessagePosté le: Sam Mai 05, 2012 4:42 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Salut JC,
Merci pour la tranche encyclopédique ... faut que je prenne le temps de tout lire et y'en a une belle tartine !
merci!
Wink
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Je suis super fatigué.
C'est comme être fatigué mais avec une cape.
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