charlan |
Posté le: Sam Aoû 15, 2009 10:31 am Sujet du message: Une interview d'Armand Lassagne |
|
Bonjour SwingJO !
J'ai fait la connaissance d'Armand Lassagne en 1992 à Payerne.
Pendant des années, une équipe de copains payernois, Les Tumulus, organisaient annuellement une soirée sur invitations, souvent sans publicité. Ces soirées drainaient régulièrement deux cents personnes.
Il y a eu trois fois Marcel Azzola et son orchestre de danse. Il y a eu Francis Lemarque avec son accordéoniste Roger Damin...
En 1992, le plateau comptait Armand Lassagne, Jean Corti, Daniel Colin, René Dessibourg, Didier Roussin, Jean-François Dessibourg, Alain Bouchaux et Dany Maurice. Et j'ai eu le plaisir d'en faire partie.
Et le lendemain...
Payerne, Restaurant du Marché " Chez la Muette " - dimanche 27 septembre 1992
C : J'ai aujourd'hui le plaisir et la chance d'être en compagnie d'un tout grand du musette, Armand Lassagne. Salut Armand !
AL : Bonjour, Charlan !
Armand, je ne sais pas très bien par quel bout commencer. Remontons peut-être un petit peu le temps. Tu es né, je crois, à Montrouge...
... Exact...
... dans la banlieue parisienne...
... Oui,la très proche banlieue, à quelques kilomètres de Paris.
A quand remonte ta rencontre avec l'accordéon ?
Oh, j'étais tout jeune. J'avais à peu près sept ans. J'ai demandé au Père Noël un accordéon. Je rêvais de jouer de l'accordéon. Mais j'ai commencé vraiment à apprendre vers l'âge de dix ans.
Tu as fait des études musicales, tu as eu des professeurs ?
J'ai eu un professeur que je remercie toujours. C'était un excellent professeur, qui s'appelait Camille Di Duca. Il était le professeur également de Maurice Vittenet et de Jean Corti.
Et tu es entré dans le métier très tôt, je crois...
Oui, vers l'âge de quatorze ans, à peu près. J'ai commencé par accompagner, déjà à l'époque, des chanteurs semi-professionnels.
Armand, tu es, bien sûr, un accordéoniste musette, mais est-ce qu'on peut dire que tu es issu du bal musette, tu as connu cette époque ?
Ah oui, j'ai très bien connu cette époque. Je suis d'ailleurs, derrière Jo Privat, certainement celui qui a joué le plus dans les bals musette. Je dis " derrière Jo Privat " parce que lui, quand même...
... c'est l'ancien...
... Disons que nous ne sommes quand même pas de la même génération. Cela dit sans vouloir le vieillir, mais enfin j'ai pas son âge.
Mais j'ai fait beaucoup de bal musette. J'ai joué à la Taverne de Belleville, Rue au Maire chez Gineston, à l'As de C½ur, chez Guy... J'ai fait beaucoup de bal musette, énormément. J'ai joué au Petit Jardin, aussi, la boîte rivale du Balajo à l'époque. C'étaient deux gros bals musette, etc.
C'est une très bonne école. Il faut dire aussi que nous jouions 57 heures par semaine dans les bals musette comme Le Petit Jardin.
Et la grande partie de ces bals musette a disparu...
Oui, malheureusement, Il y a souvent des parkings à la place maintenant, ou des grands magasins, des grandes surfaces, malheureusement.
Certains disent que le musette n'a plus sa raison d'être...
Je ne le pense pas. Il faut absolument conserver le musette, parce que c'est l'esprit parisien.
J'admire beaucoup d'autres accordéonistes. J'ai beaucoup d'admiration, par exemple, pour Sivuca, le Brésilien, pour Art Van Damme, pour des Américains aussi, pour beaucoup de gens. J'admire aussi des Français, évidemment.
Mais disons que la valse musette, c'est typiquement français et peut-être un peu plus parisien, même. Il y a un style musette que nous, accordéonistes parisiens, possédons peut-être mieux que les autres.
Maintenant attention, dans les bals musette comme Le Petit Jardin, le Balajo, il s'agissait de jouer du musette bien musical, bien dansant, avec une pointe de swing. On ne jouait pas avec les accordéons à vibrations que l'on utilise pour le musette moderne.
Corinne et Fabienne Chapuis m'ont dit, il y a déjà un moment, qu'elles admiraient ta manière de jouer jazz. Qu'est-ce qu'il faut répondre à tous ces puristes qui proclament haut et fort " accordéon = anti-jazz " ?
Pour moi, l'accordéon est encore un instrument méconnu qu'on juge bien souvent par le côté commercial. Le gros du public est attiré par le musette populaire, commercial, trop commercial.
Mais on peut faire d'énormes choses avec un accordéon. Et bien souvent, ceux qui n'aiment pas l'accordéon le découvrent quand on joue pour eux. Ils ont l'impression de le découvrir. Ils ne connaissent pas cette forme d'accordéon. C'est dommage, parce que ce n'est pas l'accordéon qui est en en cause. C'est celui qui s'en sert qu'on devrait souvent remettre en cause.
Aujourd'hui, tu as un orchestre, tu as une formation ?
Non, je l'ai fait longtemps. J'ai eu longtemps une formation. Je me déplaçais. J'ai fait un peu toutes les branches du métier. Je suis un pigeon voyageur. Je me lasse au bout d'un certain temps. Il faut que je change. Je n'aime pas avoir toujours la même activité.
Alors, il y a des périodes où je remonte l'orchestre et je refais des galas. Et puis y a des périodes où j'arrête cette activité-là.
Tu es l'homme caméléon...
Voilà, un petit peu. Dans le métier, il y a plusieurs branches : Et toutes sont intéressantes. Et puis, ça change...
Armand Lassagne, on t'a vu assez longtemps à la télévision, dans l'émission " La Chance aux Chansons "...
Oui, j'ai accompagné " La Chance aux Chansons " dès le départ. Elle ne s'appelait pas encore " La Chance aux Chansons ". Au départ, elle s'appelait " La Croisée des Chansons ".
Et, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui dans cette émission, tu accompagnais les chanteurs en direct...
Oui, bien sûr !
Accompagnateur, c'est un métier ?
Oui, bien sûr, il faut aimer ça. Ca demande certaines qualités et de la souplesse aussi. Parce qu'il ne faut pas oublier ces émissions sont faites assez rapidement.
Les chanteuses, les chanteurs ont le trac. Ils ne chantent pas toujours des chansons de leur répertoire du moment. Et puis, ils peuvent avoir un trou de mémoire. Il faut toujours être aux aguets. Il faut surtout essayer de les aider. Il ne faut pas se mettre en valeur soi-même, Il faut essayer de mettre le chanteur ou la chanteuse en valeur. C'est ça le propre d'un accompagnateur, je crois.
Qui as-tu accompagné ?
J'ai accompagné une multitude de gens, peut-être mille chanteurs ou chanteuses. Enfin, disons que chez les vedettes, j'ai accompagné Georgette Plana, j'ai accompagné Colette Renard, avec qui je suis allé en Russie avec son mari Raymond Legrand et son grand orchestre. J'ai accompagné Patachou. J'ai accompagné Guy Béart pendant quatre ans. J'ai accompagné... J'en oublie. J'en ai accompagné pas mal..., Mireille Mathieu, aussi...
Tu accompagnes encore Mireille Mathieu ?
Non, je ne l'accompagne plus depuis longtemps déjà. Parce que, comme je te disais, j'ai fait l'accompagnement pendant des années. Mais ça demande beaucoup de voyages. On n'est pas trop souvent à la maison. Il y a un moment où l'on se lasse un petit peu de voyager. On voudrait bien retrouver un peu ses pantoufles.
Armand Lassagne, si tu n'étais pas devenu musicien, qu'est-ce que tu aurais fait dans la vie ?
Ben, j'aurais été certainement très malheureux. J'aurais en tout cas été musicien amateur, parce que je pense qu'un amateur se fait autant plaisir qu'un professionnel. Mais j'aurais joué de la musique, ça c'est certain ou alors j'aurais été très malheureux.
Mais sans ça, beaucoup d'autres choses m'intéressent. J'aimais beaucoup le dessin. J'aurais peut-être été dessinateur, quelque chose comme ça.
Eh bien, un grand merci, Armand Lassagne...
... de rien, c'est moi qui te remercie et je suis très content d'être venu ici en Suisse. C'est un pays que je retrouve toujours avec plaisir, parce que les gens sont charmants. Il y a un bon public, formidable. J'aime beaucoup la Suisse.
Je te souhaite beaucoup de succès et j'espère te revoir bientôt.
Merci beaucoup, au revoir à tous.
Voilà pour ma première rencontre avec Armand Lassagne.
A bientôt avec Alain Musichini.
Charlan |
|